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05 novembre 2015 |
Strasbourg

Jeudi 22 octobre 2015 s’est tenu à Strasbourg un colloque sur le thème : « Les facteurs de succès et les leviers de l’innovation dans le bâtiment ». Organisé par le Pôle Fibres Énergivie, le CEA Tech de Lorraine, le CSTB et l’alliance ANCRE, ce colloque avait pour objectif de faire le point sur l’état de la recherche dans le bâtiment, et d’éclairer les professionnels du bâtiment sur les différents outils de soutien ou d’accompagnement de leurs efforts de recherches et d’innovations. Il était parrainé par Philippe RICHERT, Président du Conseil Régional d’Alsace et par Jean-Yves LE DEAUT, Député de Meurthe-et-Moselle et Vice-président de l’Office Parlementaire des Choix Scientifiques et Techniques à l’Assemblée Nationale.

Conclusions du colloque du 22 octobre 2015 : Facteurs de succès et leviers de l’innovation dans le bâtiment

A l’origine de ce colloque : la publication d’une étude menée par l’alliance ANCRE (L’Alliance Nationale de Coordination de la Recherche pour l’Énergie) qui vise à coordonner les recherches sur l'énergie menée par les organismes publics nationaux. Cette étude intitulée « Bâtiment Horizon 2020 » porte sur le paysage mondial de la recherche dans le bâtiment.

Présentée à Strasbourg par Françoise CADIOU, Chef de projet au CEA, Hervé CHARRUE, Directeur Recherche et Développement au CSTB et Practice Leader chez Questel Consulting, l’étude a pour but d’objectiver la mesure de l’effort R&D dans les domaines publics et privés de la filière bâtiment, par une analyse détaillée de la production des brevets, publications, projets et activités R&D dans le domaine de l’énergie. Les résultats en France sont comparés à ceux d’autres pays.

L’étude confirme le décalage observé entre l’effort de R&D, qu’il soit public ou privé (moins de 1% du CA total), et les espoirs fondés sur la filière bâtiment dans la réduction des Gaz à Effet de Serre. Elle montre une activité inventive et une production scientifique française dans le domaine du « bâtiment énergie » peu soutenues, comparées à ce qui se fait aux Etats-Unis, au Japon et en Allemagne. Ces comparaisons internationales montrent néanmoins que l’effort R&D ne semble pas être mieux étudié ni connu à l’étranger. L’une des conclusions clé de l’étude est que, en France, les acteurs « entrepreneurs », qui représentent la très large majorité de la filière, dédient moins de 0,03% de leur CA à la Recherche & Développement.

En synthèse, cette étude souligne la nécessité d’élargir le périmètre R&D à « l’innovation » au sens large, avec un réel besoin de l’améliorer, en agissant à plusieurs niveaux : financements publics et privés, meilleure connaissance du parc, innovation organisationnelle, robustesse des technologies, formation et industrialisation.

L’Alsace se place parmi les régions les plus dynamiques en matière de R&D dans le bâtiment. Ce dynamisme est renforcé par la présence du Pôle de compétitivité Fibres Énergivie et de grandes entreprises innovantes.

Dynamisme et innovation : les richesses du colloque

Tout au long de la journée, de nombreux projets particulièrement innovants portés par des PME alsaciennes et lorraines ont été présentés, tels :

  • Le projet COMEPOS, co-financé par l'ADEME et présenté par Denis KRAUTH, Président de Maison Hanau. Il s’agit d’une initiative destinée à accompagner la création de 25 maisons à énergie positive (Mepos) d’ici à 2018, et à en définir précisément les indicateurs de performance et les modes de construction.
  • Le projet SOLENBAT (SOleil EN BATerie), co-financé par le FUI, présenté par Marc HELFTER, Advanced Energy Solutions Manager, Hager Electro SAS. L’objectif de ce projet est de développer une solution combinant production d’énergie solaire photovoltaïque, stockage électrique et système de gestion énergétique.
  • Le projet MERUBBI (Méthodes d'exploitation des ressources utiles du bâtiment bioclimatique dans son îlot) co-financé par l'ANR et présenté par Clément RIBAULT, doctorant en énergétique du bâtiment, CEA-INES, et Emmanuel DUFRASNES, enseignant-chercheur, ENSAS. MERUBBI a pour objectif le développement d’une méthodologie de conception des bâtiments neufs, adaptée aux exigences des concepteurs et destinée à intégrer de façon raisonnée la question de l’exploitation des ressources utiles de l’environnement.
  • Le projet HOMESKIN co-financé par le programme Horizon 2020 et présenté par Rémi PERRIN, Directeur Recherche et Développement de Soprema. Ce projet vise à accélérer la mise au point d’un nouveau type d’aérogel fabriqué à partir de matériaux super-isolants et disposant de la conductivité thermique la plus basse de tous les matériaux d’isolation existants.
  • Le projet NICKEL, éligible au Crédit d’Impôt Recherche et présenté par Thomas FRITSCH, Directeur du développement produit chez Bubendorff et Etienne WURTZ, Directeur de recherche, CEA-INES. Ce projet a porté sur le développement du volet ID2, volet roulant autonome communicant qui contribue activement à l’efficacité énergétique du bâtiment. Le volet est autonome grâce à l’énergie solaire et il est doté d’un système de pilotage automatique.
  • Le projet de développement d'un isolant très innovant actuellement testé dans le cadre d’un projet collaboratif européen présenté par Audrey NGOMSIK-FANSELOW, Directrice Générale de Separex.
  • Le projet de développement d’une technologie de rupture pour un panneau de bois massif contrecollé de très grande dimension (CLT) adapté aux construction en bois de grande hauteur, présenté par Olivier KRACHT, Président de Lineazen.

Les suggestions et idées avancées lors du colloque

La recherche en général dans le bâtiment

Les participants ont souligné un manque de valorisation de la recherche dans le bâtiment.

Jean-Yves LE DEAUT, Député de Meurthe-et-Moselle et Vice-président de l’Office Parlementaire des Choix Scientifiques et Techniques à l’Assemblée Nationale, relève le faible nombre de chercheurs en France, à peine 200 dans le domaine du bâtiment.

Selon Etienne WURTZ, Directeur de recherche, CEA-INES (projet NICKEL), cela peut être imputée au fait que, en France, l’innovation dans le bâtiment est trop souvent perçue comme relavant de l’application industrielle et moins comme véritablement de la recherche scientifique. L’image de la R&D doit être revalorisée comme c’est le cas dans d’autres pays, Pour cela et pour lui donner une dimension scientifique.

Le besoin de fédérer davantage les forces de la recherche et de rapprocher les laboratoires publics et les industriels, a également été souligné. Pour Etienne WURTZ, et Jean-Yves LE DEAUT, la présence de pôles de compétitivité forts et la récente création des nouveaux instituts pour la transition énergétique vont dans le bon sens.

Jean-Yves LE DEAUT a cité trois propositions tirées de son rapport publié en 2014 au nom de l’Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques qu’il préside « Les freins réglementaires à l’innovation en matière d’économies d’énergie dans le bâtiment : le besoin d’une thérapie de choc » :

  • Développer les outils de mesure de la performance réelle in situ ;
  • Intégrer au développement des produits la facilité de la mise en œuvre ;
  • Développer les assemblages à partir d’éléments pré-fabriqués.

Hervé CHARRUE, CSTB, pense que pour faciliter l’innovation dans le bâtiment, il serait bon d’améliorer la connaissance du parc et des usages ainsi que la connaissance des acteurs du secteur du bâtiment sur des innovations dans les secteurs connexes. Il pense nécessaire de développer l’innovation organisationnelle systémique.

Les projets collaboratifs de R&D, vus comme des accélérateurs de l’innovation

Selon Thomas FRITSCH – projet NICKEL, « le partenariat R&D collaboratif avec la recherche publique et l’accompagnement des pôles de compétitivité permettent de combiner réalité terrain et hauteur de vue scientifique. Ils induisent un sentiment de sécurité accrue lors du lancement des nouveaux produits".

Dans le cas de bâtiments démonstrateurs, selon Etienne WURTZ - projet COMEPOS, « La collaboration est nécessaire pour optimiser l’innovation : faire dialoguer entre eux les différents acteurs du chantier et travailler sereinement sur les interfaces ».

Marc HELFTER – projet SOLENBAT et Rémi PERRIN – projet HOMESKIN pensent que, les « pôles de compétitivité sont de véritables apporteurs de projets. Ils permettent de donner plus d’ambitions aux projets de développement ». Toujours selon eux, un accompagnement par les pôles de compétitivité aide à résoudre des points de vigilance inhérents au travail collaboratif, tels que :

  • L’harmonisation du vocabulaire entre les partenaires, surtout à l’échelle européenne;
  • Le règlement des questions de propriété intellectuelle avant le démarrage du projet ;
  • L’absence de concurrents parmi les partenaires.

Pour Rémi PERRIN – projet Homeskin et Audrey NGOMSIK-FANSELOW, Separex, « La participation à des projets européens nécessite au départ d’être dans les bons réseaux, les pôles de compétitivité notamment. La participation à un projet, permet de se faire repérer et ouvre de nouvelles opportunités pour des futures collaborations. Audrey NGOMSIK-FANSELOW, Separex précise que « le projet européen permet pour nous de tester le produit in situ grandeur nature et de valider le marché ».

Pour Olivier KRACHT, Président de Lineazen, « La vraie difficulté est la mise sur le marché de l’innovation, cela nécessite d’établir des partenariats, et de s’assurer de l’assurabilité de ses produits pour toute la chaine de valeur. L’accompagnement par le pôle est très utile et nécessite d’avoir une stratégie claire d’innovation : connaitre quel est son marché, travailler l’adéquation entre l’innovation, la commercialisation et la mise en œuvre. ».

Les financements et dispositifs d’accompagnement présentés

Au cours de la journée, plusieurs interventions ont eu pour objectif de mettre en valeur certains leviers majeurs de l’innovation. Une intervention de la Direction Régionale à la Recherche et à la Technologie a porté sur le crédit impôt recherche, véritable levier financier à l’innovation en France. Le Pôle Fibres-Énergivie est également intervenu pour dresser un panorama des leviers de financement public et des dispositifs d’accompagnement à la disposition des entreprises, ainsi que pour présenter le réseau des plateformes du Plan Bâtiment Durable qui proposent des dispositifs d’accompagnement, réseau dont fait partie le Pôle.

Pour clore cette journée, Christian CARDONNEL, Président de la société Cardonnel, Jean-Luc CHARRIER, Directeur technique du Toit Vosgien, Thierry JUIF, Chef de projet R&D de Bouygues Construction, Etienne WURTZ, Directeur de recherche du CEA-INES et François MINCK, Directeur général adjoint du Groupe G,A sont venus partager leurs expériences autour du thème : « Comment favoriser l’expérimentation d’innovations dans le bâtiment ? ».

Ces différents échanges ouvrent de nouvelles perspectives et interrogent sur les différentes actions à prendre pour inciter davantage les professionnels du bâtiment à innover davantage dans leurs projets futurs.